Aller au contenu

La Civilisation

Ce matin, j’ai lu que Margaret Meadows, célèbre anthropologue du XXème siècle, avait un jour répondu à un étudiant qui lui demandait à quoi on déterminait qu’une société était civilisée : « à un fémur cassé et re-soudé ». Elle avait ensuite explicité son propos en expliquant que, dans la nature, un animal avec un fémur cassé ne pouvait plus se nourrir ni boire et était donc voué à la mort bien avant que son os ait eu le temps de cicatriser. Si un être vivant peut survivre à un fémur cassé, c’est qu’un autre être vivant a pris soin de lui, l’a nourri et protégé le temps de sa guérison. Alors, la question est la suivante : sommes-nous encore un peuple civilisé ?

A la rentrée 2022, la majorité des députés à l’Assemblée Nationale en France a rejeté un projet de loi visant à limiter à 1€ le prix du repas dans les restaurants universitaires. Sachant que, depuis plusieurs années, les étudiants ont de plus en plus de mal à se nourrir, ne trouvant plus de jobs étudiants, ceux-ci étant déjà pourvus par les demandeurs d’emploi suite au chômage galopant ou inexistants à cause de la crise économique, et viennent régulièrement grossir les queues des Restos du Cœur – le phénomène s’étant aggravé pendant et après le Covid – , cette loi aurait dû être votée à l’unanimité par nos députés ; pourtant, elle a été rejetée au motif qu’elle n’était pas égalitaire parce que des étudiants “non-nécessiteux” pouvaient également en bénéficier… Depuis quand, dans notre société, prive-t-on de nourriture les personnes qui ne peuvent pas se nourrir parce qu’une poignée d’autres n’a pas ce problème ? Qu’est-ce que ce genre de comportement dit de nous en temps que société civilisée ?

Quand le Covid est arrivé et que le débat de la vaccination a commencé à décimer plus de famille que le virus lui-même, grâce à un gouvernement qui y a vu un formidable outil pour appliquer la formule in vivo de « Diviser pour mieux régner », une partie des vaccinés très en colère – à propos de quoi on ne sait pas bien vu qu’ils étaient vaccinés, ne risquaient donc pas d’attraper le virus et d’en mourir contrairement aux non-vaccinés – ont commencé à se gausser de ceux qui avaient fait ce choix et en mourraient avec un méprisant : « T’avais qu’à te faire vacciner ! ». De quelle partie digne de l’être humain une telle réaction émane-t-elle ? Avoir raison prévaudrait-il sur notre capacité à la compassion ?
De mon côté, je pense qu’il est toujours plus intéressant de proposer à l’autre qui nous sommes et ce en quoi nous croyons par le biais de nos actions plutôt que d’essayer de le convaincre coûte que coûte avec nos mots. Quand nous choisissons nos modèles, nous les choisissons pour ce qu’ils ont accompli dans leur vie et non pour ce qu’ils ont dit, sinon tous les philosophes – et les hommes politiques – auraient des statues à leur effigie à tous les coins de rue. Ensuite, nous avons rarement raison quand il s’agit d’un débat d’idées qui ne sont pas en accord avec nos actes. Enfin, la vérité étant très subjective, parce que basée sur notre système de croyances, nous avons généralement raison uniquement pour nous-mêmes lorsqu’il s’agit de “défendre” notre système de valeurs qui, s’il est bénéfique pour nous, ne l’est peut-être pas pour notre interlocuteur.

Pour en revenir à notre fémur fracturé, il y a plusieurs années, bien avant le covid, je me souviens de l’histoire d’une jeune femme qui a perdu la vie en accouchant devant un hôpital parisien parce que les soignants l’avaient renvoyée chez elle, faute de places disponibles. Plus près de moi, toujours avant la pandémie, la grand-mère de mon mari qui avait 90 ans passés à l’époque, est restée plus de 12 heures toute seule sur un brancard dans un couloir des urgences à souffrir d’une occlusion intestinale parce que le personnel soignant avait refusé que sa fille attende auprès d’elle ; j’entends que les urgences manquent cruellement de personnel, mais manquent-elles aussi d’humanité pour ne pas laisser une fille tenir la main de sa mère seule, perdue et en souffrance en attendant les soins ?
Attention, ceci n’est pas une critique envers nos soignants mais envers nos gouvernants qui devraient avoir à cœur de donner aux personnels soignants les moyens humains et financiers de venir en aide et de prendre soin de leurs congénères sans être en souffrance eux-mêmes, sans avoir à choisir qui peut vivre et qui doit mourir, faute de nombre de lits suffisant. Où est passé le mot fraternité inscrit dans la devise de notre pays et fièrement affiché sur les frontispices de nos institutions ? Où en est-on de notre état de civilisation dans ce cas de figure-là ?

En tant que membre de cette société, quel degré de civilisation apportons-nous à l’édifice par nos comportements envers les nôtres, à commencer par nos parents ou grands-parents que nous abandonnons à leur sort dans les EHPADs, “faute de temps” pour aller les voir ou prendre de leurs nouvelles régulièrement ? Quel regard portons-nous sur l’autre en souffrance sous nos yeux : le SDF au coin de la rue, l’immigré qui dort dans sa quechua sous le pont de l’autoroute, l’enfant autiste dans la classe de notre enfant…? Regardons-nous toutes ces personnes avec mépris et peur ou avec bienveillance et compassion ? Quelles actions, même infimes, sont à notre portée pour changer ce regard et celui de nos enfants ?
Remettre du lien là où celui-ci est rompu serait un bon début… Parler avec ces personnes pour entendre, comprendre leur histoire et les faire nôtres. Nous sommes tous, eux comme nous, les grands-parents, parents, enfants, frères et sœurs de quelqu’un qui a une histoire à raconter – souvent bien plus passionnante qu’une série sur Netflix parce qu’elle nous touche de près – et des choses à transmettre. Un mot, un geste, un simple sourire peut parfois faire une grande différence dans la vie d’une personne en souffrance.

Encore une fois, ce sont nos actes qui nous définissent en tant qu’être humain et non nos paroles. Sommes-nous encore une civilisation capable de prendre soin des nôtres, quels qu’ils soient ? Serions-nous prêts à accueillir l’autre chez nous et à en prendre soin le temps qu’il “cicatrise” ? Si votre réponse est non, n’aimeriez-vous pas que quelqu’un le fasse pour vous ou pour votre enfant si vous ou lui en aviez besoin ?

Pour ceux qui préfèrent lire à tête reposée ou qui ont du mal à lire sur fond noir, n’hésitez pas à télécharger le PDF de cet article en cliquant sur le bouton ci-dessous.

 

Comment La Petite Sirène de Disney est devenue noire

Réécrire notre Histoire

Sommes-nous si desespérés que nous devions effacer notre passé plutôt de nous créer un avenir radieux ?

Connaissez-vous le grand livre des "Il Faut" ?

Le Livre des "Il Faut"

Connaissez-vous le grand livre des "Il Faut" ? Alors pourquoi suivre ses préceptes ?

« Tu ne peux pas rendre tout le monde heureux, tu n’es pas une gaufre ! »

La Gaufre de l'Amour

S'occuper des autres, c'est d'abord savoir s'occuper de soi et savoir être égoïste pour devenir altruiste...

Géraldine Claudel

Besoin d’être guidé ?

N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

RSS
Follow by Email
WhatsApp