Le Grand Livre des "Il Faut"
Nos sociétés et notre éducation nous ont appris à fonctionner au gré des impératifs que les « autorités supérieures » – nos parents, nos traditions ou nos gouvernants – nous ont imposés au fil des décennies voire des siècles. Si ces impératifs sont parfois utiles et pertinents, il nous est néanmoins difficile de construire une vie épanouie en répondant aveuglément à des ordres venus de l’extérieur…
Ma mère a toujours eu un « Il faut » adapté à chaque situation de la vie. Du sempiternel et classique, « il faut que tu ranges ta chambre », à « il faut que tu ailles chez le coiffeur », « il faut sortir un enfant tous les jours même s’il neige et qu’il fait -15° », « il faut avoir de l’argent pour être heureux », « il ne faut pas acheter son essence au supermarché, elle mousse (si, si, celle-ci est véridique !) » ; ma mère a traversé sa vie avec des « il faut » rassurants auxquels se raccrocher quand elle avait des angoisses, c’est-à-dire toute la journée durant… Mais, attendez une minute, ce ne serait pas les angoisses justement qui auraient été créées par les « il faut » ?
Un jour, n’en pouvant plus d’une de ses énièmes imprécations liées à l’éducation de ma fille, je lui ai demandé si elle avait un grand livre où étaient consignés tous ses « il faut », le recueil absolu des grands commandements de la vie… Etonnament, ça ne l’a pas fait rire !
Cette usage excessif des « il faut » a longtemps été un problème dans ma vie et a même été un des aliments de ma dépression. En effet, les « il faut » sont des règles venues de nulle part, et consignées nulle part donc, que nous nous imposons à nous-mêmes sans jamais les remettre en question. Ces règles sont soit héritées de notre enfance soit dictées par la société dans laquelle nous vivons et sont complètement décorrélées de notre moi profond et de nos choix de vie. Notre société, à travers les médias notamment, est un incroyable vecteur de « Il faut » : « Il faut manger 5 fruits et légumes par jour », « il faut faire l’amour au moins une fois par semaine », « il faut faire du sport », « il faut être mince pour être belle », « il faut se marier et avoir des enfants »…
Tous ces « il faut » sont source de contraintes que nous n’avons pas choisies puisqu’elles émanent d’une puissance supérieure non-définie et, par voie de conséquence, sont source de jugements et/ou de culpabilité dans nos vies que nous nous y pliions ou non.
Nous avons tous des contraintes dans nos vies, mais si nous ne voulons pas qu’elles soient des poids ou des frustrations en devenir, nous devons choisir celles que nous acceptons en conscience et changer notre façon de les exprimer : remplacer le « il faut » impersonnel par un « je veux » ou un « je dois » fera une vraie différence dans votre vie car cela vous repositionnera au centre de ces actions. « Je dois faire la vaisselle » ne rend pas la vaisselle plus sexy que dans « il faut faire la vaisselle » mais, au moins, c’est moi qui décide, ou non, de la faire. De plus, il est intéressant d’ajouter à cette affirmation un « parce que » pour mettre encore plus de soi dans la contrainte et la transformer en vrai choix conscient : « Je dois faire la vaisselle car je n’aime pas que ma cuisine soit en bazar ou encore je n’ai plus d’assiettes propres et j’ai faim ! ».
Il en va de même pour les enfants. Quand nous étions enfants et que notre mère nous disait « il faut que tu ranges ta chambre », nous avions tendance à partir dans la direction opposée pour aller jouer ailleurs et nous faire oublier. En revanche, si vous dites à votre enfant « j’aimerais que tu ranges ta chambre ce matin car je souhaites passer l’aspirateur », cela lui donnera l’opportunité de donner du sens à la contrainte ou de transformer la contrainte de rangement en preuve d’amour pour sa maman et ainsi le motiver à vous aider sans trop de récriminations…
Se réapproprier ses contraintes, c’est les transformer en choix volontaires et en affirmation de soi. De même, cela permet de se débarrasser de celles qui ne nous appartiennent pas et parasitent notre quotidien. Lorsque les contraintes sont celles que nous choisissons d’accepter pour accomplir les buts que nous nous sommes fixés, elles deviennent beaucoup plus légères et nous les accomplissons avec fierté.
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